L'ATTENTE
L'ambiance colorée
où rêve la jeune femme est plutôt terne. Elle
s'ennuie. Son regard se perd dans le lointain. Elle semble vouloir
quitter la noirceur de sa chambre où la pendule s'est
arrêtée de donner l'heure. Le son est éteint.
Qui attend-elle ? N'est-il qu'un rêve ?
Ce parterre de fleurs qui veut l'apprivoiser ne l'intéresse
plus à ce moment-là. Dire qu'elles embaumaient
au temps où elle respirait de gaîté lorsque
son amant venait la surprendre dans son jardin !
A quoi pense-t-elle aujourd'hui ?
Elle voulait décider de le rejoindre et pour cette rencontre
avait choisi le chapeau piqué d'une fleur indéfinissable
que son amie modiste avait créé. Elle savait qu'il
appréciait ce chapeau sur lequel les plaisanteries fusaient
; mais jamais, au grand jamais il n'a été outrageant
ni vulgaire à ce sujet. Il savait rester courtois, éduqué,
et maniait l'humour avec délicatesse. C'était ce
qu'elle appréciait le plus de sa personnalité.
Elle restait donc là, figée, chapeautée,
prête à aller à sa rencontre mais indécise
devant ce jardin enchanteur et troublant à la fois.
Son regard est sombre. Elle l'attend ! Il doit venir ! Que lui
est-il arrivé ? Pourquoi n'est-il pas déjà
là ? Qu'a-t-elle bien pu lui dire qui l'aurait offensé,
froissé ?
Pourtant lors de leur dernier rendez-vous l'humeur a été
joyeuse, festive, complice.
Qui a donc bien pu le faire changer d'avis ? Pourquoi n'a-t-il
pas prévenu ?
Et cette horloge qui ne veut plus donner l'heure comme pour lui
signifier que l'attente est vaine. Le temps s'est arrêté
! Le ciel s'est assombri aussi. Les volets commencent à
recevoir la pluie.
" Mais, il viendra ! " se dit-elle, "
Je sais qu'il viendra, la pluie ne l'en a jamais empêché
! ".
Elle rentra vérifier
si son accoutrement était parfaitement ajusté.
Elle voulait encore et toujours continuer à lui plaire.
Est-ce encore vain ?
Elle ne sait plus. Elle ne sait pas.
La pluie a développé le parfum de ce parterre de
fleurs
Est-ce un signe ? Le soudain rayon de soleil sur
les roses blanches, serait-ce un présage ?
La lumière voudrait éclater, mais l'orage menace
à nouveau.
L'air est humide. Elle garde encore son chapeau et son manteau
sur ses frêles épaules, reste au milieu de sa fenêtre
largement ouverte sur un espace silencieux, vide, à l'horizon,
sans la silhouette de celui qui lui avait tout promis !
Elle, si souriante, gaie, enfantine, ne se sent pas, aujourd'hui,
à la plaisanterie. Ses traits se sont tirés. Son
angoisse monte, préoccupe son esprit d'habitude si enjoué.
Doit-elle encore rester là ? Doit-elle courir au-devant
de lui ?
Combien de temps lui donne-t-elle pour qu'il vienne la rejoindre
pour assister à ce fameux spectacle qu'ils avaient décidé
de découvrir ensemble ? Il sait pourtant qu'elle se réjouissait
à l'avance d'assister à la première de ce
vaudeville de l'auteur à la mode.
Il s'enorgueillissait de l'y inviter, elle, si brillante en société
et heureuse de pouvoir débattre de la pièce dans
ce fameux restaurant où tous ses amis l'accueillaient
avec chaleur. Gâcherait-il cette si belle soirée
qui a fait l'objet de discussions si animées et dont la
controverse du sujet a failli fâcher jusqu'à ses
admirateurs ?
Elle est là
! Devant cette fenêtre béante, dans cette chambre
sombre, au décor sombre. Est-ce le signe du désespoir
? Cette situation ne serait-elle que passagère
?
Un empêchement impromptu aura fait remettre cette soirée,
probablement.
Oui, demain il viendra ! Et lui dira pourquoi cette absence d'aujourd'hui.
Elle l'espère encore.
Michelle |